mercredi 12 novembre 2008

Chers amis,

Ce soir j'aimerais vous entretenir d'un best seller et de ce qu'il dit du vin. Liselotte, reine des maîtresses de maison, Nadine de Rothschild de l'entre deux guerres, princesse des convenances du berceau au tombeau, nous livre, en cette édition dont je n'ai pas été foutu de trouver l'année, quelques lignes sur le vin et son service, au chapitre des dîners.

Rien de bien folichon à vrai dire, si ce n'est quelques "pairing" comme on dit chez les anglois, qui me laissent perplexe. Mais je ne sui qu'un bleu.

La dite Liselotte propose ainsi de servir du sauterne avec les huîtres et par ailleurs de grand bordeaux rouges avec le foie gras.

Personnellement je n'ai jamais essayé de telles choses, les huîtres, le foie gras, le haut brion et le sauterne étant trop coûteux pour prendre des risques.

On notera également quelques détails : le vin ordinaire se sert entre convives, le vin fin nécessite un valet. A acheter donc avec la cave à vin électrique, le valet qui va bien avec.

Enfin, et ce n'est pas anodin, on ne force pas une femme à boire.

Bref, un peu d'exotisme, mais finalement pas plus d'intérêt que ça pour les fines bouteilles. C'est traité de bien loin, avec la même distance que les couches de bébé, le thé ou les faire-part de décès. L'important c'est le bon geste et le bon mot pour indiquer que son verre est sufisamment rempli. Pas de "hopopop, malheureux, j'ai de la route à faire". Un simple doigt sur le bord du verre suffira. Quant au valet, il s'entraînera à profit à prononcer, à voix basse mais claire, le nom du vin qu'il sert.

Tout dans le cérémonial, peu importe ce qu'on goûte. On peut même couper avec de l'eau...

* le vin du jour : rien. En revanche, pour le 11/11, le château de Rouillac 2000 avait bien vieilli dans ma pauvre cave qui n'en est pas une. Il était ferme et embaumait comme un bouquet de fleuriste moderne, avec des bois, des essences et quelques fleurs.
* Je sais, mes pages sont scannées par un cochon, mais le scanner est loin, caché, parce que c'est moche un scanner, alors je n'ai pas la main dessus pour presser l'ouvrage contre la vitre...
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mercredi 22 octobre 2008

Quand un chablis de 30 ans d'âge valait 10 francs

Ca y est, il est paru ! Quoi donc ? Mais le catalogue des grands vins Nicolas 1960.
Disons qu'il est arrivé ce midi dans ma boîtàlettres avec aussi l'exemplaire de 1954. Merci Ebay...

La livraison 1960 s'inscrivait "sous le signe des fruits de la terre de France" (avec peintures charmantes de Georges Rohner. Ouaip, cette édition coûte moins cher qu celle illustrée par Bernard Buffet - 1963 je crois - mais j'adore les natures mortes, de fraises et de pêches).



On y lit qu'on pouvait se faire livrer moyennant 50 balles, quasi-rien, 30 heures de SMIC à l'époque, de prestigieux bordeaux affichant presqu'un siècle au compteur. Qu'est-ce qu'on trouve aujourd'hui pour 250 euros ? Tiens, je découvre à l'instant qu'il s'est vendu un Cos d'Estournel 1947 pour 200 euros sur Ebay, la semaine dernière. Faudrait creuser, comme le reste...

Est-ce que Nicolas vend toujours ces prestigieuses bouteilles ? Avec livraison à domicile (en mobylette, comme les pizzas, et que je te secoue les bouteilles calori-réfri-extra-gérées)...

Et puis surtout ce catalogue a été imprimé juste derrière moi, derrière le mur dans mon dos, dans les ateliers des prestigieux frères Draeger, dont il ne reste, plus dans le coin, à côté du gymanse et de la résidence qu'on a construit à la place, qu'une stèle au double D, devant la porte de l'école maternelle, que les petits, ignorants, s'amusent à escalader.

Le chablis de 30 ans d'âge est à 10 francs, soit 6 heures de Smic. Je ne sais pas si aujourd'hui on a la même chose pour 48 euros...
Pour l'instant je me contente de ces catalogues. C'est étrange, ils exaltent un vin paisible et luxueux, noble et simple, artiste et bourgeois. On dirait un tableau accroché de toute éternité au mur, chez mes grands parents. Je suppose qu'il y a une table en chêne sous la toile cirée.

Le bouquin m'a été expédié d'Angers. En quelle maison a-t-il vécu ? Quelles bouteilles dormaient dans la cave ? Qui les a bues... Ces fruits de saison peints sur toile et imprimés à grand soin sont captés dans leur maturité éternelle. Ces framboises seront roses à jamais.

Romanée Saint vivant 1952, 14 fr.
Château du Breuil, coteaux du Layon 1921, 10 fr.

C'est donné. C'est maintenant qu'il faut acheter


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lundi 1 septembre 2008

L'été aura duré deux jours


Ca y est, il a paru !

Quoi donc ? Mais le volume 3 des Gouttes de Dieu, m'enfin ! Comment expliquer l'engouement que je ressens pour cette publication alors qu'il ne s'y passe rien. C'est du manga, 14 volumes publiés au Japon, série toujours en cours. Les deux héros, ennemis jurés, courent après 12 bouteilles mystérieuses. Eh bien, on n'en a toujours pas vu la queue d'une au bout du 3e numéro. En revanche, nous avons eu droit à 30 bonnes pages sur l'accord huîtres/chablis. Ah voilà, on sait prendre son temps pour nous mener à l'essentiel. A l'essence.

Je crois que je suis bluffé par la grande justesse (ou ressentie comme telle par un amatoriste comme moi) du propos. J'imagine le boulot qu'il a fallu pour parler de bourgogne avec autant de crédibilité. A moins que des fils secrets ne relient (j'ai dû suggérer ça ailleurs) le Japon et ses traditions au vin et ses traditions.

Je pose l'hypothèse que les auteurs sont passés par les souterrains. Ils sont au milieu de leur culture japonaise et au lieu de s'en séparer pour venir creuser la question du vin en France, ils l'abordent par le fond, comprenant instinctivement les nuances, l'enjeu, la rigueur, le sérieux tragique du vin. Il faudrait connaître aussi bien le Japon que le vin pour approfondir cette thèse.

Pour l'heure, il est tard, et demain c'est la rentrée.

Les gouttes de dieu #3
,224 pages, 14 volumes en cours au Japon
Glénat
Editeur Japonais : Kodansha
Paru en août 2008

Le vin du jour : une demi badoit.

vendredi 7 mars 2008

Ma bible : le dictionnaire des vins de France


Oui, vraiment c'est ma bible. L'idée : pour chaque appellation (AOC et AOVDQS) de France, une page ou une double page avec :
- un petit topo ;
- les couleurs ;
- les surfaces ;
- la production ;
- la date de l'appellation ;
- une localisation sur la carte ;
- éventuellement la liste des grands crus de l'appellation ;
- les cépages ;
- l'oeil, le nez, la bouche ;
- l'accord mets-vins ;
- la garde ;
- des illustrations.

Ouf. Qu'ajouter ? J'aime l'ouvrir en même temps qu'une bouteille (un bout de la bibliothèque bacchique est dans la cuisine, of course). Cette pauvre petite bouteille isolée, loin de ses soeurs, et si elle est d'une appellation obscure, c'est pire encore, on ne sait rien de sa famille, de ses parents. Un oeil au dictionnaire des vins de France lui redonne un peu de son identité ; soudain on se sent moins seul et moins démuni. On a besoin de repère externes pour apprécier le vin. De lettres de référence ? Peut-être... Je n'ai jamais encore été tenté par l'anonymat d'une dégustation absolue à l'aveugle. C'est bon de voir d'abors l'étiquette, la couleur du vin à travers le verre, les motifs et le bosselé de la capsule. C'est bien d'en savoir un peu plus avant de l'ouvrir, non ? Moi, oui...

C'est vrai, quoi, on ne couche pas avec les inconnu/e/s!

Alors on goute après avoir cerné un peu à qui on avait à faire : les mots du cavistes, les pages du dico, et sa propre impression.

Un autre jour, je ferai l'éloge, pour équilibrer mon propos, de la surprise absolue.

* Dictionnaire des vins de France, Paris, Hachette, 2002 [pour mon édition]
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dimanche 24 février 2008

Des miscellanées un peu molassonnes


Au commencement étaient les livres. Et puis Mr. Schott a inventé les Miscellanées. Succès total. Alors vinrent les Miscellanées médicales, gastronomiques, parisiennes, que sais-je. Il fallait bien enfin que quelqu'un s'occupât du vin. Ca date de 2005 déjà, et ça a été traduit en français en 2006. Le bouquin m'avait échappé et j'ai vu cette semaine qu'on en parlait sur un blog (version anglaise). Un petit tour à la librairie ce week-end m'a permis de réparer cette erreur.

Mais en était-ce vraiment une (erreur). Il faut dire que Mr Schott avait mis la barre assez haut : l'éclectisme, l'aridité même et l'aspect finalement peu écrit de son ouvrage l'approchait d'une forme particulière et particulièrement agréable d'érudition tiède, inutile et donc indispensable.

Que dire sinon que ces Miscellanées du vin m'ont déçues... Trop bavard (au fait, au fait !), anecdotique (c'est un comble, il y a des anecdotes subtiles qui vous réveillent et d'autres, pénibles, qui vous barbent - pourquoi faut-il que ce livre soit truffé de la deuxième catégorie), confus (je n'ai toujours pas compris quelle était la bouteille la plus chère du monde).

Le problème est que ce bouquin est comme un résumé de l'histoire mondiale du vin, découpé, secoué, reconstitué, comme une tête de veau. L'antithèse finalement de la Miscallanée pure où précisément on attend qu'il n'y ait aucun lien entre chaque entrée, qu'on passe du coq à l'âne.

Pas de surprise, un ton pompeux, sans doute une mauvaise traduction. Raté. Même ce qui aurait dû, comme une perle qui ruisselle, nous porter, subtilement, d'un mot de la Chine aux cotes du Rhône, des jéroboams aux plus anciennes maisons de commerce, est lourd et vain. On se laisserait presque convaincre que le vin, c'est chiant.

Les Miscellanées du vin restent à écrire.

  • Graham Harding, Miscellanées du vin, City Editions, 2006 (2005 pour l'édition en anglais).

L'auteur ? Il préside l'Oxford Wine Club. Comme quoi personne n'est à l'abri.

mercredi 20 février 2008

Contrerimes XXXV

Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs
Et ma mie, et l'air du pays :
Que mon coeur était aise

Ah, les vignes de Jurançon
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson

Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
A l'heure où Pau blanchit au loin
Par delà les prairies ?

Qui se souvient de Paul-Jean Toulet et du Jurançon 93 (1893...) ? Voilà pourtant un poète de l'éphémère, de l'impression fugace, comme le goût d'un vin qui s'oublie déjà ou son nez qui s'est à peine révélé. Nous n'avons que quelques secondes pour faire connaissance de ce vin et savoir s'il sera notre ami pour longtemps ou un simple compagnon de beuverie ce soir. C'est quelques secondes la dégustation, et c'est déjà fini. Des dizaines d'années pour faire des racines, et aller puiser les éléments secrets du sols, un an pour pousser, faire des feuilles et des grappes, un an de travail et quelques secondes au final pour dire tout le bien ou le mal qu'on en pense. Quelle injustice et quel mystère : ramasser en un souffle, en une gorgée, des centaines d'années de tradition, des dizaines de saisons et des milliers d'heures de travail. Un concentré d'histoire du monde. C'est une chance, à chaque bouchon. Le vin tient le monde dans sa main.

Bu ce soir :
  • un verre de Saint Pourçain
  • un verre de Cotes Roannaises
Parfaits compagnons d'un dîner d'amoureux.

mardi 19 février 2008

Les liens... du vin : openwine et European Wine Blogger Conference

http://ewbc2008.wineblogger.info/

Vous tenez un blog ? Un blog sur le vin ? Alors rejoignez la "European Wine Blogger Conference".

Le congrès aura lieu en Espagne, fin août.

Tous les détails ici : http://www.facebook.com/event.php?eid=8245098642

Autre nouvelle : l'ouverture d'un , pour dire vite, Facebook pro du vin : Openwine
OpenWine Consortium is a global, non-profit wine industry association featuring the newest generation of emerging companies, wineries, publishers, services and communication tools that are changing the world of wine.
Il y a un groupe de blogueurs du vin. Rejoignez-les !

dimanche 17 février 2008

Le vin et les artistes, par Paul Sentenac


Un nouvel ouvrage de la bibliothèque bacchique, vinique, oenologique, comme vous voudrez ; et une nouvelle illustration du fait que lorsqu'on boit du vin, on n'est jamais seul.

On est avec Homère, on est avec Verlaine, on est avec tous ceux qui en ont bu ou qui en ont parlé.

Poursuivons la mise en abîme : cet exemplaire présentement est dédicacé à un écrivain. Pour le reste je n'en dirai pas grand chose car, malgré la chaleur de l'envoi, Gaston Poulain n'a jamais pris la peine de couper les pages de son livre...

Et à mon tour je n'ai pas osé flétrir cet ouvrage sur lesquels en 80 ans, aucune paire d'yeux ne s'est posée.

En fait j'exagère, la préface a eu les honneurs du couteau, ce qui permet d'y retrouver ce genre de maximes délicieuses :
"L'histoire du vin c'est la vie de l'homme et c'est l'histoire de l'humanité". On y fustige les prohibitionnistes, "dans leur haine contre tout ce qui est boisson fermentée". Car nous devons l'ouvrage aux Editions de l'association de propagande pour le vin, à Béziers !

Un jour, je couperai le livre et vous saurez enfin ce qu'il faut savoir du vin et des artistes...

En attendant, qu'il nous suffise de savoir que la consommation de vin est la meilleure barrière contre l'alcoolisme. Oui Monsieur. Et si ça ne vous convient pas, vous pouvez toujours attraper la tuberculose...





  • P. Santenac, Le vin et les artistes, Béziers, Association de Propagande pour le vin, s.d.

vendredi 8 février 2008

Rebond : il est bon mon bordeaux il est bon

Il y a quelques posts, je vous expliquais au détour d'un cadeau que chez moi (et chez d'autres) le bordeaux n'avait plus trop la cote. Mouvement de fond confirmé ou du moins examiné par Eric Asimov (The Pour) :
The whole exercise started me thinking about why, at least in certain circles, it’s oddly unfashionable these days to like Bordeaux.
Question de génération, facilité accrue à se procurer de très bons vins produits ailleurs, identification de bordeaux avec le business (rédhibitoire pour les jeunes générations), aucune image bio, Eric Asimov simplifie mais livre un faisceau de raisons qui me paraissent parfaitement convaincantes (puisque je les partage uhuh). Bref, le bordeaux, c'est pour les vieux pour les branleurs, pour les traders, pour les buveurs d'étiquettes. Sans compter que le cabernet sauvignon semble avoir perdu sa couronne...

Dernier argument sympathique :
...in restaurants good Bordeaux tends to be either too young or exorbitantly expensive.
Dans un style moins argumenté et plus vert, voir aussi .

lundi 4 février 2008

Les vins de Loire par Pierre Bréjoux

Un deuxième livre de ma vinographie. Je les redécouvre comme je vous les présente. J'amasse les bouquins pour la retraite, pour plus tard, dans l'espoir fou que j'aurai un jour le loisir de les étudier de près...

Voici donc Les vins de Loire, de Pierre Bréjoux. Ca date de 1974. Et c'est... disons désuet. Pas assez ancien pour que l'époque soit de l'histoire et qu'on dise stylé ce qui n'est encore que daté. Un peu comme nous autres trentenaires.

230 p. dans un format qui rentre dans la poche de votre battle pour aller à la plage. Publié sous les auspices de la RVF et muni d'une préface de + Baron Le Roy, président de l'INAO.

Préface où je retrouve, sans l'avoir cherché, de l'eau pour mon moulin :
"... bien peu de régions peuvent se vanter d'avoir vu leurs vins inspirer autant de poètes, litérateurs et artistes. Ils ont célébré leur renommée depuis le XVIe siècle. DU BELLAY, RONSARD, RABELAIS, pour ne citer que les plus anciens..."
L'inspiration, évidemment, premier des liens entre livres et vins. Mais le baron conclut sur une citation de Duhamel (pas le temps de vérifier lequel), qui, au delà du caractère pas du tout prophétique de son propos, met le doigt sur quelque chose de plus profond, des rhizomes bizarres qui parcourent le sol de l'histoire, et que la littérature couronne en un point d'orgue discret et mystérieux :

"Mystère français, ..., notre façon de cultiver la vigne, de faire le vin, de la conserver, de l'introduire à point nommé dans les repas, de le boire, de le célébrer. On commence, en nombre de pays du monde, à faire des vins honorables qui ont sans doute quelque valeur alimentaire, et qui ne sont pas sans agrément. Ces vins peuvent être, dès maintenant, un excellent objet de commerce. Pour qu'ils donnent lieu, comme en France, à un mystère national, il faudra des siècles de travail, des traditions, des goûts, du respect, de l'amour, beaucoup de poésie, et même un peu de littérature."
Rectifions, Duhamel ne manque pas de vision, il a simplement ignoré, en parlant de siècles, que le vin fait aujourd'hui reconstruit lui-même la tradition, y compris là où l'on dit qu'il n'y en a pas.

Mais il a parfaitement rendu compte de cette expérience que l'on fait inconsciemment, mais dont notre plaisir procède : quand on ouvre une bouteille, on ouvre un livre. Un livre d'histoire, le livre de toutes les pierres érigées en murets par les moines qui vivaient dans des abbayes prospères, le livre de tous les travaux des champs de mon ancêtre que je ne connaissais pas et qui buvait le vin de la vigne qui n'existe plus, mais qui existe encore puisqu'au même endroit pousse un nouveau plant.

Amen.

  • P. Bréjoux, Les vins de Loire, Paris, Société française d'éditions viticoles, 1974

Bu et appréciu ce week-end, frais, léger, comme un soleil d'hiver qui ne tape pas trop fort mais dont on sait la lumière :

  • Domaine de Trapadis, Côtes du Rhône, 2006.

vendredi 1 février 2008

pourquoi faut-il toujours que tu parles ?

Parmi les pratiques de plaisir, la dégustation du vin est celle qui, je crois, fait le plus appel à la verbalisation - immédiate.

Lorsque vous lisez un livre, que vous écoutez de la musique ou que vous regardez un film, vous n'éprouvez pas forcément le besoin de mettre des mots sur ce que vous êtes en train de ressentir (et d'ailleurs, au cinéma, j'ai plutôt tendance à vouloir enguirlander ceux qui veulent mettre des mots).

Mais outre le parasitage dans les cas où l'ouïe est en jeu, il y a quand même quelque chose de spécifique à la dégustation. Il faut intellectualiser, il faut mettre en mots, et au moment même où l'on goûte.

Ne pas ajouter au méfait de boire, celui de boire en silence ?

Rattacher immédiatement cette pratique déviante à la douce rationalité (oeil/nez/bouche, attaque/milieu/finale, c'est carré, c'est pas juste pour avaler du pinard) ?

Le mystère qui transforme la sensation en mots plutôt que la seule perception sensorielle serait l'essence même du plaisir ?

Vous défendrez successivement ces trois hypothèse. Vous avez 2 heures.

indécence

Je vous montre mon jarret et ma queue de porc demi-sel, sur lit de coquillettes vertes (oui, aux légumes, sur la photo, on ne voit pas qu'elles sont vertes - je vous promets qu'elles sont vertes, d'ailleurs les enfants n'ont pas voulu en manger, si c'est pas une preuve...). Ca a cuit au four, à la cocotte, 3 h à 150. Réchauffé le lendemain, une heure à 120. C'est super simple, parfaitement bon et fondant, et pas cher (le jarret doit être à 7 euros le kilo et la queue à 2 et quelques - en plus vous pouvez récupérer les osselets).
Qu'est-ce qu'on boit avec ça ? A vrai direje ne sais pas... Je ne sais pas bien faire travailler ma mémoire des parfums et des goûts pour appareiller les vins et les plats. C'est comme associer deux couleurs de tête, pas facile.

Un autre jour, je vous parlerai de ma terrine de queue de porc (ne me demandez pas pourquoi la queue de porc, c'est comme ça).

Et puis comme ce blog est censé se consacrer aux livres et au(x) vin(s) réunis, je reviens bientôt avec un bouquin tiré de ma petite bibliothèque goût (il n'y a pas de quoi tenir 10 ans de chroniques, il faut l'avouer...)
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jeudi 31 janvier 2008

les grands esprits

Et oui, après le téléphone et la photo couleur, voilà que deux personnes ont la même grande idée à peu près en même temps ! Il y a quelques jours, j'intitule ce blog Mon(t)rouge, et voilà que je tombe, en bordure de notre bonne ville sur le chantier de cet établissement qui s'installe. Pour l'esprit, on verra plus tard, on n'a que le permis de construire pour se faire une idée...


C'est vrai, j'exagère, la photo couleur n'est pas une si grande invention...
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mercredi 30 janvier 2008

Rebond : Vin et cinéma

Vin à l'heure et Vinopsis reprennent l'info : le film Bottle Shock a été présenté au festival de Sundance et crée la polémique.

Un film avec Alan Rickman ne pouvant pas être complètement mauvais, on attend ça avec impatience.

Après Le docu Mondovino et le road-pinard-movie Sideways (que je n'ai pas vu d'ailleurs, honte sur moi, si quelqu'un a la cassette), on entre donc dans le dur, avec un sujet pour vrai amateur, un sujet que vous pouvez lancer en soirée pour trier le bon grain de l'ivraie, les brebis galeuses des initiés : le jugement de Paris (1976). A ajouter donc (en toute amitié, hein, on n'est pas des rustres) à d'autres petites références qui font la petite différence, entre ceux qui savent et les autres, entre les vrais amis et ceux qui sont juste bons à boire du gin :
  • le name dropping d'appellations obscures ;
  • la façon d'apprécier d'abord le nez du vin sans secouer son verre comme un parkinsonien (et les arômes volatils, apostat !) ;
  • la façon de couper la capsule ;
  • la promotion du bouchon synthétique au nez des cro-magnons qui ne jurent encore que par le liège ;
  • j'en passe...
Bref, le jugement de Paris fait partie de ces journées où l'histoire du monde se condense, se contracte en un acte, en une bataille, où les choses à l'oeuvre en profondeur et depuis longtemps claque d'un coup comme une bulle à la surface et alimente ensuite, sans fin, la discussion, la dispute et, bien sûr, la quête de sens.

Comme ça sent la lazysphère ici (et que je respecte mes sources), je vous laisse en apprendre plus en cliquant sur les liens, là haut.

Quand même... Alan Rickman... Le méchant dans Piège de cristal !

lundi 28 janvier 2008

qu'est-ce que je vous disais...


Demain c'est mon anniversaire ; de bons amis m'ont offert des livres... et du vin.

  • Le sens de la vis, de Larcenet et Ferri
  • De Gaulle à la plage, de Ferri
  • Château la Couronne, Saint Emilion grand cru 2003

Je ne connais pas Château la Couronne (je connais peu de choses en vin, en fait, et encore moins à Bordeaux - j'ai ce snobisme, qui se répand ces temps-ci, de ne pas trop m'intéresser à ce qui se passe dans les vignes et dans les chais, là-bas... - Mais je ferai là volontiers une exception car ce vin aura forcément le goût de l'amitié).

Quant au Ferri à l'oeuvre dans De Gaulle à la plage, on le connaît, ou bien on croit le connaître. En tout cas on s'y reconnaît. Il me semble que le trait a évolué depuis Aimé Lacapelle. Il est plus élégant, plus délicat, il nécessite moins de trait. Il était bordelais, il est devenu bourguignon en fait.

C'est pas "beau", c'est "juste". Un fil, un cheveu, un pli. Pas besoin de plus. Pas besoin d'en faire trop.

Le trait de Larcenet me désarçonne toujours, lui. J'y trouve à voir, mais pas encore à dire.

Sans doute ne faudra-t-il pas boire Château la Couronne en lisant Ferri et Larcenet.

Quel est le bon accord des livres et des vins ?

vendredi 25 janvier 2008

à propos des complexes technico-culturels

notes pour une note pour plus tard :

les livres et les vins sont les deux objets technico-culturels que je préfère. Ils sont à la conjonction de tant de rivières : pour que le livre naisse, il aura fallu inventer l'écriture, le papier, l'encre, la reliure, et on peut dire aussi le commerce, et j'en passe. Pour le vin, l'agriculture, la maîtrise des processus biochimique, et disons, les bouteilles, qui supposent le verre. Tous deux présentent une sorte de perfection dans l'aboutissement de leur apparente simplicité.

Bien entendu, tous deux ne se révèlent que lorsqu'on les ouvre, mais j'arrête là le parallèle,le gnangnan guette.

Peut-on aimer les livres et ne pas aimer le vin ? Ou l'inverse.

Je sens qu'il y a quelque chose dans le dialogue souterrain de ces deux mediums du plaisir. Nous allons laisser le dialogue ouvert, nous allons illustrer et l'on verra si ça suinte, si ça distille...

Bu ce soir, avec un couscous du type de la rue d'à côté qui fait aussi des kébabs délicieux (oui oui, le kébab, c'est comme les pizzas, les sandwiches et les gens de droite, il faut connaître les bons)
  • La croix Chaptal, Rouge AOC Coteaux du Languedoc – Terrasses du Larzac (carafé une heure - puissance du nez, tendresse de la bouche, un rouge solide mais digeste, vous y trouverez des fruits noirs et de la viande, mais c'est finalement clair et doux)

jeudi 24 janvier 2008

le mariage des vins et des oeufs

Je vous avais dit qu'on y reviendrait et qu'on parlerait d'oeufs. A vrai dire il faudra y revenir encore, à cet étrange bouquin.
oeufs à la coque - Graves blanc, Chablis
en cocotte - Hermitage, Seyssel sur le plat - Muscadet, Vouvray

Jusque là, on connaît. Encore que je ne sache pas qui ouvre aujourd'hui du Chablis pour des oeufs à la coque.

Je passe les poches, les mollets, mais qui me dira ce que sont les oeufs Babinski (Arbois, Seyssel) ? Les oeufs Belle Hélène (Graves, Jurançon blanc) ? Non, non, j'ai regardé. Zéro occurence sur Gougle. Fait-on les oeufs Belle Hélène comme les poires ?

On croise des personnages : Colbert (oeufs Colbert - Bourgueil, Chinon), Marivaux (oeufs Marivaux - Chambertin, Beaune [on ne se refuse rien...]), Masséna, Parmentier (j'imagine qu'il y a de la patate là-dedans), Edouard VII, Sévigné. J'en passe. Finalement ça tourne toujours autour des mêmes : Chambertin,Hermitage, Bourgueil, Cotes du Rhône. Tiens ? Picpoul.

D'où vient, en feuilletant cet ouvrage, cette sensation de foisonnement et en même temps de sècheresse, d'exotisme et de lassitude ? Lagopède - Voir Gelinotte. Kébab ? Oui kébab. Provence, Côtes du Rhônes.

Kloses ? Knepfles ? Knusper ? Kolodnik ? J'ai la flemme de chercher.

Ah. La laitue aussi peut se faire Colbert.

A faire : construire un tableau excel de tous les plats, de toutes les façons, de tous les vins. Trier, compter. Il n'y a pas de langouste Colbert par exemple. Mais une langouste Cardinal.

A venir, dans le même opuscule, les pages de pub :
  • Champagne Louis Roederer - Gaiété, santé, bonheur.
  • Peut-être en vente à la rotisserie de la reine Pédauque, Paris, Gare St-Lazare (autre pub...).

Rebond : Romorantin et le romantisme

Dr Vino nous fait part de son intérêt pour le Domaine du Petit Chambord, de F. Cazin.

C'est judicieux. L'apellation Cour-Cheverny (monocépage Romorantin, qui doit d'ailleurs être un cépage mono-appellation si je ne m'abuse) nous réserve en effet de belles émotions.

J'ai découvert le Domaine du Petit Chambord un soir d'été à l'Hôtel du Grand Saint Michel, précisément à Chambord, lors d'un dîner en terrasse, en amoureux, avec vue sur le château. Est-ce que cela a influencé ma perception ?

C'était la cuvée Renaissance, toujours en Cour-Cheverny, un demi sec gourmand, mais en même temps retenu (bien élevé, quoi, distingué, comme un costume anglais). Equilibré.

Nous sommes allés au domaine cet automne et la deuxième rencontre avec ce vin a confirmé la première impression. Le romantisme était encore au rendez-vous d'ailleurs. C'était un bel après-midi, avec ma Belle, sans les enfants, sur les petites routes du Loir-et-Cher, à la prochaine intersection, à gauche, puis à droite, t'es sûr ?

Pour le soir j'avais envie d'aller dans un de ces restaurants de campagne, qui sont là de toute éternité, depuis plus d'un siècle tout du moins ; on y sert les plats qui ont fait l'histoire de la gastronomie française (sole meunière, rognons...), on y va le dimanche avec Mamie, c'est elle qui paye, on prend une bonne bouteille ; le patron passe avec des carafes, il y a des trophés au mur ; est-ce qu'on prend un dessert ? C'est pas raisonnable. On prend un dessert. On retourne coucher au Manoir de Clénord. Dans la forêt, les cerfs descendent de cerfs chassés par François Ier.

...

François Cazin propose aussi un rouge, en appellation Cheverny, également très élégant.

Si vous passez près de Cheverny,

  • François Cazin (Le Petit Chambord)
  1. Cour-Cheverny Cuvée Renaissance (demi sec)
  2. Cour-Cheverny (sec)
  3. Cheverny Rouge
  • Restaurant les 3 marchands, à Cheverny

mardi 22 janvier 2008

Le mariage des vins et des mets




C'est beau comme une litanie des saints.

Pâté d'alouette - Saint Jean de Braye
Pâté d'anguille - Chablis, Pouilly fuissé
Pâté de boeuf - Corton, Musigny, Beaune
Pâté de bécasses aux truffes - Corton, Musigny
...

C'est parfois un peu surréaliste.

Mauviette à la bonne femme - Médoc, Graves rouge
Mauviette en caisses - Savigny, Hermitage
Mauviette en croûte - Médoc, St-Emilion
Mauviette à la minute - Bourgueil, Chinon
...

Il y en a comme ça 91 pages, ressuscitant des recettes défuntes, et posant devant chaque plat quelques lignes de force du patrimoine oenologique.

Pour la date vous repasserez, il faut que je cherche. Le libraire a noté au crayon "avant guerre".

Il y a des pages de publicité qui encadrent tout ça ("Royal Kébir - le doyen des fins fins d'Algérie - seboit dans le monde entier")

Nous devons ce livre de poésie entêtant à Raymond Brunet, ci devant ingénieur agronome, Directeur du "Moniteur vinicole", Président des gastronomes régionalistes.

J'y reviendrai... (et aux quatre pages consacrées aux oeufs).
  • R. Brunet, Le mariage des vins et des mets, Paris, Bureaux du moniteur vinicole.

Au fil de cépages...

... on croisera des livres et des vins.

Des livres qui parlent du vin. L'inverse étant plus rare (goût de parchemin).

Là où les livres et le vin se touchent, qu'est-ce que ça fait ? Est-ce que ça colle ?

Est-ce que ça vaut le coup de mettre les deux dans un chapeau et d'y fourrer le nez, les doigts et les yeux ?

On verra...