dimanche 24 février 2008

Des miscellanées un peu molassonnes


Au commencement étaient les livres. Et puis Mr. Schott a inventé les Miscellanées. Succès total. Alors vinrent les Miscellanées médicales, gastronomiques, parisiennes, que sais-je. Il fallait bien enfin que quelqu'un s'occupât du vin. Ca date de 2005 déjà, et ça a été traduit en français en 2006. Le bouquin m'avait échappé et j'ai vu cette semaine qu'on en parlait sur un blog (version anglaise). Un petit tour à la librairie ce week-end m'a permis de réparer cette erreur.

Mais en était-ce vraiment une (erreur). Il faut dire que Mr Schott avait mis la barre assez haut : l'éclectisme, l'aridité même et l'aspect finalement peu écrit de son ouvrage l'approchait d'une forme particulière et particulièrement agréable d'érudition tiède, inutile et donc indispensable.

Que dire sinon que ces Miscellanées du vin m'ont déçues... Trop bavard (au fait, au fait !), anecdotique (c'est un comble, il y a des anecdotes subtiles qui vous réveillent et d'autres, pénibles, qui vous barbent - pourquoi faut-il que ce livre soit truffé de la deuxième catégorie), confus (je n'ai toujours pas compris quelle était la bouteille la plus chère du monde).

Le problème est que ce bouquin est comme un résumé de l'histoire mondiale du vin, découpé, secoué, reconstitué, comme une tête de veau. L'antithèse finalement de la Miscallanée pure où précisément on attend qu'il n'y ait aucun lien entre chaque entrée, qu'on passe du coq à l'âne.

Pas de surprise, un ton pompeux, sans doute une mauvaise traduction. Raté. Même ce qui aurait dû, comme une perle qui ruisselle, nous porter, subtilement, d'un mot de la Chine aux cotes du Rhône, des jéroboams aux plus anciennes maisons de commerce, est lourd et vain. On se laisserait presque convaincre que le vin, c'est chiant.

Les Miscellanées du vin restent à écrire.

  • Graham Harding, Miscellanées du vin, City Editions, 2006 (2005 pour l'édition en anglais).

L'auteur ? Il préside l'Oxford Wine Club. Comme quoi personne n'est à l'abri.

mercredi 20 février 2008

Contrerimes XXXV

Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs
Et ma mie, et l'air du pays :
Que mon coeur était aise

Ah, les vignes de Jurançon
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson

Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
A l'heure où Pau blanchit au loin
Par delà les prairies ?

Qui se souvient de Paul-Jean Toulet et du Jurançon 93 (1893...) ? Voilà pourtant un poète de l'éphémère, de l'impression fugace, comme le goût d'un vin qui s'oublie déjà ou son nez qui s'est à peine révélé. Nous n'avons que quelques secondes pour faire connaissance de ce vin et savoir s'il sera notre ami pour longtemps ou un simple compagnon de beuverie ce soir. C'est quelques secondes la dégustation, et c'est déjà fini. Des dizaines d'années pour faire des racines, et aller puiser les éléments secrets du sols, un an pour pousser, faire des feuilles et des grappes, un an de travail et quelques secondes au final pour dire tout le bien ou le mal qu'on en pense. Quelle injustice et quel mystère : ramasser en un souffle, en une gorgée, des centaines d'années de tradition, des dizaines de saisons et des milliers d'heures de travail. Un concentré d'histoire du monde. C'est une chance, à chaque bouchon. Le vin tient le monde dans sa main.

Bu ce soir :
  • un verre de Saint Pourçain
  • un verre de Cotes Roannaises
Parfaits compagnons d'un dîner d'amoureux.

mardi 19 février 2008

Les liens... du vin : openwine et European Wine Blogger Conference

http://ewbc2008.wineblogger.info/

Vous tenez un blog ? Un blog sur le vin ? Alors rejoignez la "European Wine Blogger Conference".

Le congrès aura lieu en Espagne, fin août.

Tous les détails ici : http://www.facebook.com/event.php?eid=8245098642

Autre nouvelle : l'ouverture d'un , pour dire vite, Facebook pro du vin : Openwine
OpenWine Consortium is a global, non-profit wine industry association featuring the newest generation of emerging companies, wineries, publishers, services and communication tools that are changing the world of wine.
Il y a un groupe de blogueurs du vin. Rejoignez-les !

dimanche 17 février 2008

Le vin et les artistes, par Paul Sentenac


Un nouvel ouvrage de la bibliothèque bacchique, vinique, oenologique, comme vous voudrez ; et une nouvelle illustration du fait que lorsqu'on boit du vin, on n'est jamais seul.

On est avec Homère, on est avec Verlaine, on est avec tous ceux qui en ont bu ou qui en ont parlé.

Poursuivons la mise en abîme : cet exemplaire présentement est dédicacé à un écrivain. Pour le reste je n'en dirai pas grand chose car, malgré la chaleur de l'envoi, Gaston Poulain n'a jamais pris la peine de couper les pages de son livre...

Et à mon tour je n'ai pas osé flétrir cet ouvrage sur lesquels en 80 ans, aucune paire d'yeux ne s'est posée.

En fait j'exagère, la préface a eu les honneurs du couteau, ce qui permet d'y retrouver ce genre de maximes délicieuses :
"L'histoire du vin c'est la vie de l'homme et c'est l'histoire de l'humanité". On y fustige les prohibitionnistes, "dans leur haine contre tout ce qui est boisson fermentée". Car nous devons l'ouvrage aux Editions de l'association de propagande pour le vin, à Béziers !

Un jour, je couperai le livre et vous saurez enfin ce qu'il faut savoir du vin et des artistes...

En attendant, qu'il nous suffise de savoir que la consommation de vin est la meilleure barrière contre l'alcoolisme. Oui Monsieur. Et si ça ne vous convient pas, vous pouvez toujours attraper la tuberculose...





  • P. Santenac, Le vin et les artistes, Béziers, Association de Propagande pour le vin, s.d.

vendredi 8 février 2008

Rebond : il est bon mon bordeaux il est bon

Il y a quelques posts, je vous expliquais au détour d'un cadeau que chez moi (et chez d'autres) le bordeaux n'avait plus trop la cote. Mouvement de fond confirmé ou du moins examiné par Eric Asimov (The Pour) :
The whole exercise started me thinking about why, at least in certain circles, it’s oddly unfashionable these days to like Bordeaux.
Question de génération, facilité accrue à se procurer de très bons vins produits ailleurs, identification de bordeaux avec le business (rédhibitoire pour les jeunes générations), aucune image bio, Eric Asimov simplifie mais livre un faisceau de raisons qui me paraissent parfaitement convaincantes (puisque je les partage uhuh). Bref, le bordeaux, c'est pour les vieux pour les branleurs, pour les traders, pour les buveurs d'étiquettes. Sans compter que le cabernet sauvignon semble avoir perdu sa couronne...

Dernier argument sympathique :
...in restaurants good Bordeaux tends to be either too young or exorbitantly expensive.
Dans un style moins argumenté et plus vert, voir aussi .

lundi 4 février 2008

Les vins de Loire par Pierre Bréjoux

Un deuxième livre de ma vinographie. Je les redécouvre comme je vous les présente. J'amasse les bouquins pour la retraite, pour plus tard, dans l'espoir fou que j'aurai un jour le loisir de les étudier de près...

Voici donc Les vins de Loire, de Pierre Bréjoux. Ca date de 1974. Et c'est... disons désuet. Pas assez ancien pour que l'époque soit de l'histoire et qu'on dise stylé ce qui n'est encore que daté. Un peu comme nous autres trentenaires.

230 p. dans un format qui rentre dans la poche de votre battle pour aller à la plage. Publié sous les auspices de la RVF et muni d'une préface de + Baron Le Roy, président de l'INAO.

Préface où je retrouve, sans l'avoir cherché, de l'eau pour mon moulin :
"... bien peu de régions peuvent se vanter d'avoir vu leurs vins inspirer autant de poètes, litérateurs et artistes. Ils ont célébré leur renommée depuis le XVIe siècle. DU BELLAY, RONSARD, RABELAIS, pour ne citer que les plus anciens..."
L'inspiration, évidemment, premier des liens entre livres et vins. Mais le baron conclut sur une citation de Duhamel (pas le temps de vérifier lequel), qui, au delà du caractère pas du tout prophétique de son propos, met le doigt sur quelque chose de plus profond, des rhizomes bizarres qui parcourent le sol de l'histoire, et que la littérature couronne en un point d'orgue discret et mystérieux :

"Mystère français, ..., notre façon de cultiver la vigne, de faire le vin, de la conserver, de l'introduire à point nommé dans les repas, de le boire, de le célébrer. On commence, en nombre de pays du monde, à faire des vins honorables qui ont sans doute quelque valeur alimentaire, et qui ne sont pas sans agrément. Ces vins peuvent être, dès maintenant, un excellent objet de commerce. Pour qu'ils donnent lieu, comme en France, à un mystère national, il faudra des siècles de travail, des traditions, des goûts, du respect, de l'amour, beaucoup de poésie, et même un peu de littérature."
Rectifions, Duhamel ne manque pas de vision, il a simplement ignoré, en parlant de siècles, que le vin fait aujourd'hui reconstruit lui-même la tradition, y compris là où l'on dit qu'il n'y en a pas.

Mais il a parfaitement rendu compte de cette expérience que l'on fait inconsciemment, mais dont notre plaisir procède : quand on ouvre une bouteille, on ouvre un livre. Un livre d'histoire, le livre de toutes les pierres érigées en murets par les moines qui vivaient dans des abbayes prospères, le livre de tous les travaux des champs de mon ancêtre que je ne connaissais pas et qui buvait le vin de la vigne qui n'existe plus, mais qui existe encore puisqu'au même endroit pousse un nouveau plant.

Amen.

  • P. Bréjoux, Les vins de Loire, Paris, Société française d'éditions viticoles, 1974

Bu et appréciu ce week-end, frais, léger, comme un soleil d'hiver qui ne tape pas trop fort mais dont on sait la lumière :

  • Domaine de Trapadis, Côtes du Rhône, 2006.

vendredi 1 février 2008

pourquoi faut-il toujours que tu parles ?

Parmi les pratiques de plaisir, la dégustation du vin est celle qui, je crois, fait le plus appel à la verbalisation - immédiate.

Lorsque vous lisez un livre, que vous écoutez de la musique ou que vous regardez un film, vous n'éprouvez pas forcément le besoin de mettre des mots sur ce que vous êtes en train de ressentir (et d'ailleurs, au cinéma, j'ai plutôt tendance à vouloir enguirlander ceux qui veulent mettre des mots).

Mais outre le parasitage dans les cas où l'ouïe est en jeu, il y a quand même quelque chose de spécifique à la dégustation. Il faut intellectualiser, il faut mettre en mots, et au moment même où l'on goûte.

Ne pas ajouter au méfait de boire, celui de boire en silence ?

Rattacher immédiatement cette pratique déviante à la douce rationalité (oeil/nez/bouche, attaque/milieu/finale, c'est carré, c'est pas juste pour avaler du pinard) ?

Le mystère qui transforme la sensation en mots plutôt que la seule perception sensorielle serait l'essence même du plaisir ?

Vous défendrez successivement ces trois hypothèse. Vous avez 2 heures.

indécence

Je vous montre mon jarret et ma queue de porc demi-sel, sur lit de coquillettes vertes (oui, aux légumes, sur la photo, on ne voit pas qu'elles sont vertes - je vous promets qu'elles sont vertes, d'ailleurs les enfants n'ont pas voulu en manger, si c'est pas une preuve...). Ca a cuit au four, à la cocotte, 3 h à 150. Réchauffé le lendemain, une heure à 120. C'est super simple, parfaitement bon et fondant, et pas cher (le jarret doit être à 7 euros le kilo et la queue à 2 et quelques - en plus vous pouvez récupérer les osselets).
Qu'est-ce qu'on boit avec ça ? A vrai direje ne sais pas... Je ne sais pas bien faire travailler ma mémoire des parfums et des goûts pour appareiller les vins et les plats. C'est comme associer deux couleurs de tête, pas facile.

Un autre jour, je vous parlerai de ma terrine de queue de porc (ne me demandez pas pourquoi la queue de porc, c'est comme ça).

Et puis comme ce blog est censé se consacrer aux livres et au(x) vin(s) réunis, je reviens bientôt avec un bouquin tiré de ma petite bibliothèque goût (il n'y a pas de quoi tenir 10 ans de chroniques, il faut l'avouer...)
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